Mali

Note produite par l’Association pour la Promotion de l’Evaluation au Mali - APEM (2017)


Introduction

Contrairement à ce que l’on peut voir dans d’autres pays de l’espace francophone, il n’existe pas d’article ou de clause générale relative à l’évaluation des politiques publiques dans la Constitution malienne.

Au Mali, les évaluations se font de façon éparse et non systématique et cela malgré l’existence de la fonction d’évaluation de politiques publiques parmi les missions principales de certaines structures et institutions du pays. Rarement les politiques publiques sont-elles évaluées. Toutefois sous l’impulsion des bailleurs de fonds, certains programmes sont régulièrement évalués dans des domaines comme l’éducation, la santé, le développement rural et les finances publiques. L’exemple de l’outil MENOR (Monitoring Externe National Orienté vers les Résultats) dans le secteur du développement rural est à cet effet très caractéristique de même que la Cellule Technique du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté et la Direction Nationale de la Planification du Développement qui procèdent également à des revues annuelles (revues sectorielles, de projets et programmes, etc.).

Le Mali dispose de certaines structures ministérielles et indépendantes qui ont dans leurs attributions l’évaluation des politiques, programmes et projets de développement. Il s’agit :

  • du Ministère du Plan et de l’Aménagement du Territoire à travers la Direction Nationale de la Planification du Développement ;
  • du Ministère de l’Economie et des Finances à travers la Direction Générale du Budget, la Direction Nationale du Contrôle Financier ;
  • du Contrôle Général des services publics ;
  • du Bureau du Vérificateur Général ;
  • de la Section des comptes bientôt érigée en Cour des comptes ;
  • de l’Assemblée Nationale dans le cadre du contrôle parlementaire.


Un environnement institutionnel peu concerné par l’évaluation

Gouvernement et administration

Le Gouvernement n’est pas doté, pour le moment, d’une structure responsable de l’évaluation en son sein. Il est toutefois prévu, avec la mise en place du budget programme en 2018, de procéder annuellement à l’évaluation des performances des projets et des programmes et de faire de même à la fin leur durée de vie (entre 5 et 7 ans). Pour l’instant, la répartition de ces activités d’évaluation n’est pas officielle, cependant le contrôle financier a déjà développé des outils pour assurer des évaluations rapides des projets. Il est à préciser que cette évaluation ne concernera que l’atteinte des objectifs opérationnels.

Les activités d’évaluation ne sont donc pas coordonnées au niveau du gouvernement. Elles sont menées en fonction des besoins des départements et des partenaires.

C’est du côté de l’administration qu’il convient de regarder pour trouver la présence de structures d’évaluation. Certains services administratifs sont dotés de telles structures. Comme exemple il est possible de citer l’agence nationale d’évaluation des hôpitaux, les services de l’environnement, de la santé, de l’éducation, du développement rural.

Lorsque de tels services/directions existent, il est à noter que la tendance actuelle est à l’externalisation des évaluation et études. Seuls les travaux de l’agence nationale d’évaluation des hôpitaux sont réalisés par les évaluateurs internes.

Dans les faits, on s’aperçoit que la plupart des évaluations produites sont celles exigées par les bailleurs de fonds, principaux commanditaires d’évaluations avec les ONG.

Les principaux domaines de politiques publiques qui font plus spécifiquement l’objet d’évaluations sont : la santé (programmes sida par exemple), l’éducation (programmes pour l’amélioration du taux de fréquentation des filles), l’environnement, l’action sociale et le développement rural.


Une compétence du Parlement non mise en pratique

C’est au terme de l’article 2 de la loi 2012-009 du 8 février 2012 que le Parlement s’est vu doté de compétences dans le domaine de l’évaluation. Cet article instituant le Vérificateur Général du Mali, précise que ce dernier peut évaluer, à la demande du Président de la République, du Gouvernement ou du Parlement, les politiques publiques en vue de leur proposer les mesures et actions propres à assurer une meilleure adéquation du coût et du rendement des services publics, à rendre plus pertinent l'emploi des ressources publiques et d'une façon générale, à garantir le fonctionnement régulier des organismes et structures publics.

Le Parlement a donc acquis la compétence de mandater lui-même des évaluations. Cependant, il ne dispose pas d’une structure interne pour réaliser de tels travaux. Lorsqu’elle le souhaite, l’Assemblée peut procéder à des évaluations soit à travers des commissions, soit en faisant appel à des consultants indépendants ou encore en sollicitant l’Institution supérieure de contrôle ou le Vérificateur général.

Par contre, force est de constater que depuis la modification de la loi instituant le Vérificateur Général au Mali en 2012, il n’a pas encore reçu de demande d’évaluation de la part de l’Assemblée.


Utilisation de l’évaluation par les institutions nationales

Une pratique qui se cherche

La faiblesse de l’institutionnalisation de l’évaluation se traduit au niveau du nombre de travaux évaluatifs accessibles. Des rapports sont certes disponibles sur internet mais la proportion reste non significative.

Malgré l’absence de communication et de visibilité sur la production évaluative, il semble possible de dire qu’aucune modification législative n’a été entraînée par les évaluations.

Les évaluations au Mali ont plus tendance à s’intéresser à des réalisations et à la mise en œuvre des programmes. Peu d’évaluateurs s’intéressent aux impacts et les méthodologies utilisées mériteraient d’être revues afin d’être conformes aux standards internationaux.

La faiblesse de la pratique évaluative invite donc à oeuvrer pour renforcer le recours à celle-ci. Au regard du nombre de politiques publiques, projets et programmes élaborés et de leur coût, une culture d’évaluation contribuerait à attester des bienfaits des différentes interventions sur la population.


Une professionnalisation à accompagner

Cela passe probablement par le développement de l’offre de formation notamment sur l’évaluation d’impact, la collecte et analyse des données, l’utilité de l’évaluation, les démarches participatives, l’intégration des dimensions genre et environnement.

Pour le moment il semblerait que la plupart des évaluateurs bénéficient des formations en évaluation dispensées par le PNUD, le ministère de l’Aménagement du territoire et de la population (à travers le CERCAP), l’ENAP de Québec, le CESAG de Dakar et les facultés de l’université de Bamako.

Discipline encore récente au Mali, l’évaluation est pratiquée par tous les profils professionnels. Cependant, les profils que l’on retrouve le plus sont les sociologues, les économistes, les agroéconomistes, les démographes et les spécialistes en suivi et évaluation.


Les freins à une institutionnalisation de l’évaluation

Une volonté politique questionnée

Le Mali est confronté à la faiblesse des dispositifs institutionnels et organisationnels : à ce jour, ni la Section des Comptes ni le Bureau du Vérificateur Général ou la Commission chargée des finances de l’Assemblée Nationale n’ont effectué d’évaluation de politique publique.

Par ailleurs, Il n’existe pas non plus de cadre de référence ou méthodologique générale pour les évaluations, chacun y allant de ses méthodes et de ses convictions. Et malgré l’institutionnalisation de la gestion axée sur les résultats qui pose les principes d’évaluation, aucun texte en la matière n’a été adopté que ce soit en termes de réformes ou en matière législative.

Côté ressources humaines qualifiées, elle ne semble pas avoir atteinte la masse critique nécessaire à l’impulsion d’une culture évaluative malgré l’implication des bailleurs de fonds et de certaines structures nationales.

Ces éléments interrogent les capacités d’appropriation des démarches évaluatives par les acteurs et la volonté politique de sensibiliser et soutenir une telle appropriation au plus haut niveau.


L’évaluation dans la sphère publique

La société civile est assez dynamique au Mali. Mais l’évaluation n’étant pas très connue du grand public, sa demande par les citoyens est très timide. Le fait que les résultats d’évaluations ne sont pas rendues public n’aide pas non plus la société civile à s’en saisir. Son utilisation par la société civile reste donc dérisoire.

Par ailleurs, si les ONG, quant à elles, mènent aussi des évaluations afin de répondre aux exigences des bailleurs de fonds, ces différentes revues ne sauraient se substituer à des évaluations de politiques publiques.

Quant aux médias nationaux, ils relaient très timidement les résultats relatifs aux évaluations réalisées et se saisissent très peu souvent de ces travaux. Ainsi, rares sont les débats qui portent sur les travaux d’évaluation.