Burkina Faso

Note produite par le Réseau Burkinabé de Suivi Evaluation - RéBuSE (2017)


Introduction

Le système politique du Burkina Faso est de type démocratique, organisé autour de 4 composantes: exécutif, législatif, consultatif et judiciaire.

Selon l’article 36 de la Constitution, l’exécutif est assuré par le Président du Faso qui veille au respect de la Constitution, fixe les grandes orientations de la politique de l'Etat, incarne et assure l'unité nationale, garantit l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire, la permanence et la continuité de l'Etat, le respect des accords et des traités.

En ce qui concerne le pouvoir législatif, il est abordé dans l’article 78 de la Constitution. Celui-ci précise que le Parlement comprend deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Congrès est la réunion des deux chambres du Parlement.

Par ailleurs, la Constitution institue, dans son article 141, un organe consultatif dénommé Conseil économique et social (CES). Le Conseil économique et social est chargé de donner son avis sur les questions à caractère économique, social ou culturel portées à son examen par le Président du Faso ou le Gouvernement. Il peut être consulté sur tout projet de plan ou de programme à caractère économique, social ou culturel.

Le Conseil économique et social peut également procéder à l'analyse de tout problème de développement économique et social. Il soumet ses conclusions au Président du Faso ou au Gouvernement.

Enfin, le pouvoir judiciaire est confié aux juges (Art 124, Constitution). Il est exercé sur tout le territoire du Burkina Faso par les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif déterminées par la loi. Les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif au Burkina Faso sont (Art : 126): la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, le Tribunal des conflits, les Cours et les Tribunaux institués par la loi.

En théorie, ces 4 composantes sont autonomes. Dans les faits, étant dans un régime de type parlementaire, on note la collaboration étroite entre l’exécutif et le judiciaire. Si de par le passé, le pouvoir judiciaire a paru subir les instructions de l’exécutif, on note depuis l’insurrection qui s’est produite en 2014 et en particulier depuis l’adoption des nouveaux textes régissant la magistrature, une volonté des juges d’exercer de façon autonome leurs attributions.


Les facteurs qui ont favorisé la création d’une fonction d’évaluation

Le développement économique et social du Burkina Faso a été planifié, à travers plusieurs référentiels depuis les années 1960, dans une optique d'interventionnisme étatique ou de libéralisme économique. Avec les plans 1960-1962, 1963-1967 (premier plan quinquennal), 1967-1970 (Plan-cadre de développement économique et social), 1971 (Plan intérimaire), les plans 1972-1976, 1977-1981, le Programme populaire de développement (PPD) 1984-1985 et le Plan quinquennal de développement populaire (PQDP) 1986-1990, l'État a été positionné dans un rôle d'entrepreneur.

À l'inverse, avec les Programmes d'ajustement structurel (PAS) 1991-2000, le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) 2000-2010 et la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD) 2011-2015, le secteur privé a été considéré comme le moteur du développement.

Le Plan National de Développement Économique et Social (PNDES) qui couvre la période 2016-2020, se fonde sur le programme présidentiel, sur la vision Burkina 2025, intitulée : « Le Burkina Faso, une nation solidaire, de progrès et de justice, qui consolide son respect sur la scène internationale » et qui appelle « les Burkinabè à transformer les déterminants de l'évolution du système Burkina, pour rendre l'économie nationale compétitive, conforter la croissance et la prospérité, et améliorer leur qualité de vie. »

En outre, le PNDES s'inspire de l'Agenda 2063 de l'Union africaine et des ODD. Partant de ces fondements et considérant les défis de la transformation structurelle de l'économie nationale, la vision du PNDES à l'horizon 2020, se formule comme suit : « le Burkina Faso, une nation démocratique, unie et solidaire, transformant la structure de son économie pour réaliser une croissance forte et inclusive, au moyen de modes de consommation et de production durables ».

Le PNDES s'inscrit ainsi dans une dynamique de transformation structurelle de l'économie burkinabè. Une telle option implique de la part de l'État, des politiques volontaristes et un rôle très actif du secteur privé dans l'accroissement des investissements productifs dans les secteurs porteurs et innovants, ainsi que dans l'accroissement qualitatif du capital humain.

Une des réformes au niveau communautaire auxquelles a souscrit le Burkina Faso concerne la directive n°06/2009/CM/UEMOA portant loi de finances au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Cette réforme majeure au sein de l’union est relative à la substitution du budget-objet (budget de moyens) par le budget-programme (budget de résultats). Elle devrait permettre de mettre l’accent sur la gestion axée sur les résultats, la redevabilité et la demande de l’évaluation.


Quelle formalisation de la fonction évaluative ?

Une absence de cadre légal ou réglementaire

Il n’existe pas au Burkina Faso un cadre légal ou réglementaire unique définissant les procédures et conditions de la pratique de l’évaluation des politiques publiques. Il n’y a pas non plus, pour l’instant, une politique nationale d’évaluation.

Cependant, il est possible de repérer des dispositions pertinentes à différents niveaux des politiques publiques :

  • au niveau du référentiel national de développement (PNDES), des textes pour encadrer le suivi et l’évaluation des actions conduites sont adoptés par le Gouvernement;
  • au niveau des politiques sectorielles, la référence au suivi et à l’évaluation dans les documents de politique est systématique;
  • au niveau des projets/programmes de développement, la pratique du suivi/évaluation est instituée par : la réglementation nationale en matière de gestion des projets et programmes, notamment le Décret n°2007-777/PRES/PM/MEF du 22 novembre 2007 portant réglementation générale des projets et programmes de catégorie B, prévoit la mise en place d’un service dédié au suivi/évaluation dans les unités de coordination des projets. Le Burkina Faso dispose d’une Stratégie nationale de suivi-évaluation de projets et programmes depuis mai 2009. La stratégie de SE fait clairement la différence entre le suivi et l’évaluation. Toutefois, on note qu’elle ne préconise pas de méthodes d’évaluation. Si fait qu’on serait tenté de parler d’une stratégie de monitoring.


Les modèles utilisés pour son élaboration

Contrairement aux stratégies de SE fondées sur les critères du CAD/OCDE (pertinence, efficience, efficacité, impact et durabilité), on note que la stratégie nationale de SE des projets/programmes citée ci-dessus est orientée essentiellement sur la performance dans la réalisation des activités (efficacité et efficience) comme en témoigne ses principaux indicateurs préconisés (taux d’exécution physique et financière) dans le suivi des projets.


Les objectifs de la fonction d’évaluation

Pour l’instant, on note quelques tentatives concernant l'utilisation de l’évaluation dans une optique de reddition des comptes et dans une optique de gestion au niveau de l’administration. En ce qui concerne l’Assemblée nationale, elle semble se contenter de l’aspect gestion. La mise en œuvre du Budget programme pourrait permettre de prendre ces deux aspects en compte.


Une opérationnalisation qui concerne tous les ministères

Deux acteurs principaux apparaissent clés pour la coordination des activités de suivi-évaluation et celles d’évaluation des politiques publiques :

  • La DGEP qui coordonne le suivi-évaluation des projets et programmes et reçoit à ce titre une compilation des rapports de suivi des performances des projets et programmes des différents secteurs;
  • Le Premier Ministère qui assure la coordination de l’action gouvernementale et reçoit à ce titre les rapports trimestriels et annuels des différents secteurs.

Malgré l’implication de ces deux acteurs principaux, il n’y a pas encore de leadership clair de la fonction d’évaluation.

La fonction d’évaluation se situe au niveau de chaque ministère et logée au sein des directions générales des études et statistiques sectorielles (DGESS). Les têtes de proue du système sont le ministère de l’économie des finances et du développement (chargé du plan) et le ministère de la fonction publique (qui préconise des outils) ainsi que le premier ministère qui coordonne et évalue la performance des ministères.

La responsabilité au niveau décentralisée est assurée par les Directions régionales de l’économie et de la planification.

Au niveau opérationnel, tous les ministères ont donc en leur sein une DGESS qui est appuyée par la DGEP pour mener au mieux les activités de suivi et d’évaluation. Ces DGESS comprennent une unité de suivi évaluation qui assure les fonctions d’évaluation et de planification.

Mais dans la pratique, les exercices d’évaluation sont rares (en comparaison avec les études de suivi mais cela commence à changer avec la prise de conscience de l’utilité de l’évaluation dans la réussite des actions de développement). Quand ils existent, ils sont le plus souvent confiés à des cabinets d’études externes à l’administration. Les membres de l’unité d’évaluation sont plutôt chargés d’assurer une coordination de la mission d’évaluation avec les parties prenantes.

Il n’y a pas un groupe indépendant de l’évaluation comme dans les institutions internationales, mais des organismes publics dépendants du Gouvernement.


La mobilisation des parlementaires

Au sein de l'Assemblée Nationale il a été constitué le Réseau Parlementaire pour l'Evaluation des Politiques Publiques (RPEPP). Ce réseau travaille main dans la main avec le RéBuSE. Ce dernier lui apporte tous les soutiens essentiels pour son développement.

Une réelle volonté du changement est constaté au sein du parlement depuis plusieurs années maintenant. Avec les actions conduites par ce réseau de parlementaires, sa participation aux activités du RéBuSE et également aux activités de l'évaluation en dehors du Burkina (Forum International Francophone de l’Evaluation organisé par le RFE et Conférences de l’AfrEA) et également la mise en place du réseau des parlementaires africains, les acteurs burkinabé constate peut l’amorçage d’un changement positif pour aller vers l'évaluation des politiques publiques.


Les ressources et les capacités de la fonction évaluative

Les ressources limitées de la fonction d'évaluation au niveau du gouvernement

Si les ressources restent encore très limitées, les DGESS prenant leur l’essor, cela implique une augmentation des ressources mises à leurs dispositions.

Toutefois, les compétences et qualifications semblent insuffisantes pour la plupart des membres des équipes d’évaluation. Dans la grande majorité des cas, l’apprentissage se fait sur le tas, auprès des collègues suffisamment outillés. Par ailleurs, des formations sommaires en S&E sont parfois mises en places.


Caractérisation des capacités nationales d'évaluation en dehors du gouvernement

Au Burkina il existe deux associations nationales de promotion de la culture évaluative à savoir le Réseau Burkinabè de suivi et d’évaluation (RéBuSE), la Communauté africaine de pratiques au Burkina (AfCoP-Burkina) sur la gestion axée sur les résultats de développement.

Pour le RéBuSE, les ressources viennent des cotisations des membres qui sont largement insuffisantes au regard des activités à mener. L’essentiel des ressources vient du soutien financier de partenaires techniques et financiers du SNU (UNICEF, UNFPA, PNUD), bilatéraux (LWR).

L’association compte parmi ses membres un nombre important de spécialistes en évaluation de qualité et compétents. Certains d’entre eux ont leurs propres bureaux d’études et d’autres travaillent en indépendants. Une grande partie des membres du réseau sont des spécialistes en suivi et évaluation impliqués dans des projets et programmes de développement des ministères. La majeure partie a une formation diplômante en sciences sociales ou économie.


Des dispositifs pour développer les capacités nationales d’évaluation

Il existe de nombreuses offres de formation en S&E (UO et 2A) ou en management de projets qui intègrent systématiquement des modules de suivi/évaluation. Il doit y avoir plus d’une vingtaine d’Instituts Universitaires offrant ce type de formation (U Auben, IAM, IIM). L’ISSP organise chaque année et ce depuis 9 ans, deux sessions de formation régionale (Afrique francophone) en évaluation. De son côté, le RéBuSE organise assez régulièrement des sessions de formation en suivi/évaluation. Il existe également quelques agences privées qui proposent également des sessions de formation en évaluation. Enfin de nombreuses ONG ou projet/programmes organisent, au profit de leurs personnels, des sessions de formation animées par des consultants privés.


La commande d’évaluation, sa production et la communication

Les évaluations sont demandées le plus souvent par les bailleurs de Fonds et/ou par les structures responsables de la mise en œuvre des interventions. Ces évaluations sont plutôt considérées comme des étapes dans le cycle du projet. Ce qui fait qu’elles sont réalisées pour être réalisées, c’est à dire sans finalité de changement à court terme. Le défis semble être d’amener les promoteurs de projet à vraiment centrer les objectifs de l’évaluation sur des besoins très spécifiques tenant compte du contexte de chaque intervention.

La programmation et la coordination sont assurées par la structure responsable de la mise en œuvre de l’intervention (projet/programme/politique) à évaluer avec une forte implication du bailleur de fonds. Les parties prenantes et la société civile sont faiblement impliquées. Le plus souvent elles sont surtout présentes à la restitution finale des résultats de l’évaluation.

Il n’existe pas de mécanisme d’assurance qualité. L’évaluateur doit s’efforcer de produire une évaluation selon les normes de qualité définies au niveau international.

Quant aux mécanismes de dissémination, malheureusement ils restent peu développés. La plupart des rapports d’évaluation dort ainsi dans des placards. En dehors des ateliers de restitution les résultats d’évaluation ne font pas l’objet de communication.

Ce faisant, le suivi de l’utilisation des résultats et recommandations issus de l’évaluation reste très rares.


Les défis de l’évaluation

Les forces du système d’évaluation au niveau national...

  • Adoption d’une loi sur le pilotage et la gestion du développement, instituant les 14 secteurs de planification, définis à partir des nomenclatures existantes du budget de l'État (code fonctionnel 2014) et des branches d'activités (comptes économiques de la Nation 2014) en lieu et place des politiques sectorielles,
  • Existence d’une expertise nationale qui reste toutefois insuffisante pour répondre à la demande d’évaluation de qualité.


… Face aux nombreuses faiblesses

  • Absence de normes et standards.
  • Faiblesse des capacités de gestion des différentes étapes du processus d’évaluation.
  • Insuffisante appropriation et utilisation des résultats d’évaluation pour guider l’amélioration des performances des interventions.
  • Non prise en compte du genre et des jeunes dans le dispositif.
  • Un système de suivi-évaluation national non cohérent et non harmonisé qui sous-tend le processus de planification et de mise en œuvre des projets/programmes aussi bien au niveau national, sectoriel que local.
  • Malgré l’arsenal de dispositifs en suivi-évaluation pour le pilotage et la gestion des politiques, stratégies et projets/programmes de développement, force est de constater que beaucoup de ces dispositifs souvent mis en place sans articulation avec les dispositifs de collecte et d’analyse des données ne sont pas opérationnels en l’absence de ressources humaines, matérielles et financières requises pour faire ce travail.
  • Des limites quant aux outils utilisés pour l’évaluation.
  • Absence de cadres de réflexion sur le suivi et l’évaluation dans leur dimension stratégique, organisationnelle et opérationnelle (Journées Burkinabè de l’Evaluation).
  • L’insuffisance de données statistiques ; une absence de la culture de l’évaluation au sein des différentes structures de l’administration, l’insuffisance des capacités techniques des ressources humaines et des moyens matériels et financiers des structures en charge de l’évaluation des politiques publiques.
  • Les DGESS ne disposent pas d’un budget destiné aux activités de suivi – évaluation des projets/programmes. Les ressources financières utilisées pour ces activités sont intégrées dans l’ensemble du budget alloué au ministère.
  • Absence d’indicateurs d’effets et d’impacts pour certains projets/programmes
  • Une étude réalisée avec l’appui de la coopération canadienne, relève que : « la plupart des ministères manquent de culture statistique et ne sont en mesure ni de produire les informations exigées dans les délais requis ni de les mettre à jour régulièrement. Certes, certains ministères comme le Ministère de l’Education de Base ou le Ministère de la Santé disposent de services statistiques bien structurés, mais il s’agit là d’un cas d’exception ». Par ailleurs, « les services de suivi/évaluation sont peu développés au sein des ministères et les ressources humaines dédiées à cette fonction sont généralement en nombre insuffisant et peu formées aux méthodes de suivi. Les outils pour le suivi/évaluation des projets sont inexistants ou, s'ils existent, ne sont pas mis en pratique ». L’insuffisance des ressources humaines est aggravée par leur très grande mobilité au sein des ministères.
  • Quelle que soit sa qualité, l’information statistique disponible dans les différents départements ministériels est généralement incomplète. Elle est surtout quantitative et doit être complétée par des données de sondages et enquêtes sur le niveau de satisfaction des utilisateurs des services publics. Ces indicateurs et données qualitatives permettront de mieux apprécier les résultats obtenus.
  • Les documents de synthèse ont tendance à être plus descriptifs qu’analytiques ; le rapport se contente de présenter les résultats des activités.
  • De même, le problème de la participation de la société civile se pose toujours du fait du déficit d’information en sa direction, de sa faiblesse organisationnelle, de l’insuffisance de capacités en son sein.